Je dois vous avouer quelque chose : pendant très longtemps, j’ai cru qu’être un bon leader signifiait avant tout avoir le contrôle. Un contrôle permanent, absolu, presque obsessionnel. Comme beaucoup de dirigeants, j’avais cette étrange illusion que plus je maîtrisais, mieux mon équipe se portait. Jusqu’à ce que je tombe sur un livre étonnant : « Turn the Ship Around! (Renversez la vapeur)» de David Marquet.
David Marquet, c’est l’histoire authentique d’un capitaine de la marine américaine qui a pris le commandement du sous-marin nucléaire USS Santa Fe. Il s’est retrouvé avec un équipage miné par un moral au plus bas, des performances médiocres et un turnover inquiétant. La situation critique s’est révélée lorsqu’il a donné un ordre impossible à exécuter, et pourtant suivi aveuglément par ses hommes sans questionner sa pertinence, mettant en lumière les dangers d’une culture passive et soumise.

Conscient de l’urgence, Marquet décide alors d’opérer un changement radical. Il renverse complètement la logique traditionnelle du « leader-follower » où une seule personne donne les ordres tandis que les autres exécutent passivement. À la place, il instaure un modèle révolutionnaire de « leader-leader » où chacun est responsabilisé et encouragé à agir en leader, peu importe son grade ou sa fonction. La consigne devient simple mais profonde : au lieu d’attendre des ordres, chaque marin est incité à déclarer ses intentions clairement par des phrases comme « j’ai l’intention de… » Cette petite nuance linguistique engendre une transformation spectaculaire, poussant l’équipage à prendre des initiatives et à assumer pleinement ses décisions.
Parmi les piliers de son approche, Marquet encourage l’équipage à adopter une attitude proactive, à constamment apprendre et améliorer ses compétences techniques. Il décentralise la prise de décision, permettant ainsi aux membres compétents de l’équipe d’agir immédiatement, sans validation hiérarchique fastidieuse. De plus, l’habitude de « penser à voix haute » est introduite, ce qui favorise la clarté et une meilleure compréhension partagée des décisions prises à tous les niveaux. Le plus spectaculaire peut-être, c’est la suppression presque totale du contrôle descendant traditionnel. Au lieu d’une surveillance constante par la hiérarchie, chacun devient directement responsable de sa propre performance. L’effet est immédiat : l’équipe gagne en efficacité, en motivation et en engagement.
Les résultats parlent d’eux-mêmes : en moins d’un an, le sous-marin Santa Fe passe de la pire performance à la meilleure de toute la flotte américaine, remportant plusieurs récompenses prestigieuses. Mieux encore, le Santa Fe devient le sous-marin ayant formé le plus grand nombre de futurs commandants de toute la marine.
En tant que dirigeant et DSI, cette histoire résonne profondément avec les défis actuels de la transformation numérique. Trop souvent, les entreprises restent paralysées par un contrôle excessif, étouffant l’innovation et l’agilité. Combien de projets technologiques échouent ou ralentissent simplement parce que la prise de décision reste centralisée et rigide ? La réalité est implacable : même les leaders les plus brillants ne peuvent anticiper chaque scénario. En déléguant réellement, en permettant une prise d’initiative authentique, nous ne perdons pas en leadership, nous le redéfinissons. Ce n’est pas une simple délégation de tâches, c’est une délégation véritable de responsabilité et de pouvoir.
Soyons francs : adopter cette approche demande du courage. Il faut accepter de lâcher prise, parfois sans filet de sécurité évident, et faire confiance à son équipe. Cela demande un changement profond, parfois inconfortable. Mais les bénéfices dépassent largement le risque initial. La grande leçon de David Marquet est limpide : la force d’un vrai leader réside dans sa capacité à s’effacer pour permettre aux autres de s’épanouir pleinement. Et c’est exactement ce qui fait toute la différence.
Alors, êtes-vous prêt à lâcher prise et à révéler le véritable potentiel de votre équipe ?